Page:Glatigny - Le Compliment à Molière, 1872.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
À MOLIÈRE

À son enthousiasme, en termes élégants
Arrondir une belle et noble périphrase ;
Ma foi, non ! Aujourd’hui le feu qui nous embrase
Veut flamber librement et sort bien de nos cœurs !
Certes il est des fronts hautains, sacrés, vainqueurs
Qu’un lustre universel et superbe environne,
À qui nous présentons en tremblant leur couronne,
Mais ceux-là ne sont pas Molière ! Voyez-vous,
Molière, ce n’est pas un grand homme pour nous,
C’est bien mieux que cela, vraiment ! c’est notre père !
C’est celui dont la voix forte nous crie : Espère !
C’est notre conseiller et notre gardien !
Le Poëte, tous l’ont, mais le Comédien,
Celui qui partagea notre vie, et, tout jeune,
Au bel âge où l’on chante, où l’on aime, où l’on jeûne,
Courut par les chemins en s’enivrant du luth
Éolien, ce cœur généreux qui voulut
Consacrer par sa mort héroïque les planches
Où la Muse ferma ses yeux de ses mains blanches ;
Celui-là, ce Molière est à nous, à nous seuls !
Ô morts dont tous les ans nous levons les linceuls.
Racine et toi, Corneille, oh ! certes ! avec joie
Notre troupe devant vos marbres se déploie,
Et votre souvenir plus qu’à tous nous est cher ;
Mais votre chair n’est pas mêlée à notre chair,
Mais quelque chose en vous toujours nous intimide,
Et Molière, le rire aux lèvres, l’œil humide,