Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/272

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lui se tenait sa femme, portant un fusil de rechange ; près de lui était Mohsèn avec son mousquet ; près de Mohsèn, tout contre lui, Djemylèh, tenant la pique de son amant ; derrière eux, les trois vassaux armés de dagues. La garnison n’avait pour elle ni la bonté ni le nombre des armes ; mais elle était résolue. Personne n’y tremblait. Les sentiments les plus forts, qui puissent occuper le cœur, régnaient là sans partage ; aucune sensation mesquine ne se tenait à leur côté ; aimer, haïr, et cela dans une atmosphère d’intrépidité héroïque, avec l’oubli le plus absolu des avantages de la vie et des amertumes supposées de la mort, il n’y avait pas autre chose qui planât sur ces têtes.

On n’avait rien répondu au premier appel des assiégeants. Une nouvelle avalanche de coups de crosse et de coups de pied donna à la porte un second ébranlement qui retentit dans la maison.

— Qui frappe ainsi ? dit Mohammed d’une voix brusque.

— C’est nous, mon oncle, répondit Kérym. Djemylèh est chez vous ; faites-la sortir !

— Djemylèh n’est pas ici, repartit le vieil Afghan, Il est tard ; laissez-moi en repos.

— Nous enfoncerons vos planches et vous savez ce qui arrivera !

— Sans doute ! vos têtes seront cassées et rien de plus.

Il y eut un moment de silence. Alors Djemylèh, se penchant vers Mohsèn, lui dit tout bas :

— J’entends du bruit de l’autre côté de la muraille. Permets-moi d’aller dans la cour savoir ce qui se passe.

— Va, dit Mohsèn.

La jeune fille, s’avança vers l’endroit qu’elle avait désigné et prêta l’oreille un instant. Puis, sans s’émouvoir, elle revint à sa place et dit :

— Ils creusent et vont faire une brèche.

Mohsèn réfléchit. Il savait que la muraille n’était qu’en pisé ; un peu épaisse, à la vérité, mais, en somme, de faible résistance. Kérym avait repris l’entretien par de longues menaces embrouillées, auxquelles Mohammed répondait. Son fils l’interrompit et lui communiqua ce qu’il venait d’apprendre,