Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/276

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un chemin, à le quitter, à en prendre un autre, à interroger les guetteurs de nuit, à me tromper, à retrouver la piste, j’arrivai enfin à découvrir de loin les deux fugitifs que je cherchais.

C’était dans un quartier désert, au milieu de maisons ruinées. Mohsèn soutenait la marche de sa compagne, épuisée de fatigue, à ce qu’il semblait, et jetait autour de lui des regards inquiets et soupçonneux. Je me cachai à sa vue, derrière un pan de muraille, et, de là, j’observai bien ce qu’il faisait. Il cherchait un abri, évidemment, dans l’intention de trouver quelque repos. Il eut ce qu’il voulait. Il descendit dans un caveau à moitié effondré et y fit entrer celle qu’il conduisait. Au bout de peu d’instants, il remonta seul, considéra avec soin les alentours et, croyant n’avoir pas été aperçu, car je me dissimulais avec un soin extrême, il disposa quelques grosses pierres afin de masquer le lieu de sa retraite et rejoignit la femme dans le souterrain. Je restai quelques minutes pour me convaincre qu’il n’allait pas sortir. Il ne bougea pas. L’aube commençait à rougir le ciel ; je vous avertis, et, maintenant, prenez tel parti qui vous paraîtra le plus sage.

Osman n’avait pas interrompu le récit de son nayb. Quand celui-ci cessa de parler, il se leva et lui donna l’ordre de réveiller ses fils et ses hommes. Ce monde s’étant mis sur pied, la troupe vengeresse entra en campagne sous la conduite de celui qui venait de révéler la retraite des amants et on ne doutait pas qu’ils ne fussent à cette heure profondément endormis, se croyant en parfaite sécurité.

Pour se trouver ainsi réduits à l’asyle des chakals et des chiens, il fallait qu’un accident imprévu les eût privés de la protection qu’ils avaient la confiance de trouver, quand ils étaient sortis de la demeure assiégée de Mohammed. En effet, les malheureux enfants n’avaient pas eu de bonheur. Ils étaient, à la vérité, arrivés sans malencontre jusqu’à la maison de leur parent Iousèf, très-éloignée de celle qu’ils quittaient. Djemylèh, peu accoutumée à des marches si longues, et, d’ailleurs, frêle et délicate, éprouvait une fatigue extrême, mais qu’elle n’avouait pas ; elle se consolait par le bonheur d’être auprès