Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques, ill. de Becque, 1924.djvu/290

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auquel le jeune Mouradzyy se conformait avec une sorte de précision et de pompe montrait assez qu’il remplissait un devoir et se piquait de le remplir dans toute son étendue, plutôt qu’il n’obéissait à un mouvement spontané. Mohsèn non-seulement le comprit ainsi ; mais, comme il partageait les sentiments de son hôte à cet égard, il ne lui fut pas difficile de répondre à de telles avances par des démonstrations de reconnaissance fièrement exprimées, et de bien faire sentir à son tour que la nécessité la plus pressante avait pu seule le contraindre à solliciter un appui que, pour lui seul, il n’eût jamais recherché. Ainsi, le protecteur et l’obligé, au milieu de démonstrations assez solennelles d’un mutuel dévouement, maintinrent intacts les droits imprescriptibles de l’animosité ancienne et se les reconnurent l’un à l’autre. Cependant, ils se mirent à causer avec un abandon généreux, et Mohsèn fit le récit complet de ce qui lui était arrivé depuis la veille. Il passa sous silence ce qui avait un rapport direct avec son amour ; ne parla de Djemylèh qu’en l’appelant ma maison, et, à son tour, Akbar, dans ses questions et ses remarques, évita avec le plus grand soin toute allusion à la jeune fille, bien que, au fond, il ne fût uniquement question que d’elle dans ce long entretien.

Cependant, un prêtre s’était présenté au palais et avait demandé à parler à Abdoullab-Khan. Il avait été introduit auprès du chef qui, l’ayant salué avec respect, le pria de s’asseoir et lui désigna la place la plus distinguée. Après les compliments et quand le thé eut été servi, puis emporté, le prêtre parut se recueillir un instant et se mettre en devoir d’exposer l’objet de sa visite. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, de belle figure, d’un aspect bienveillant, et dont le turban blanc faisait valoir le teint un peu olivâtre.

— Excellence, dit ce personnage, je me nomme Moulla-Nour-Eddyn et je suis natif de Ferrah. Ma profession vous explique assez que je cherche partout paix et concorde, et c’est pourquoi j’ai accepté d’Osman-Beg Ahmedzyy, une mission auprès de vous. Si elle réussit, les conséquences probables d’un malentendu fâcheux pourront être écartées.