Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/388

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Grâce à mes amis de cette sorte, on vous confie, Valerio, sur les frontières orientales de l’Empire, une mission très-indéfinie. Ceux qui vous envoient ne savent pas ce que vous aurez à faire et ne se soucient guère de l’apprendre. Ce qui leur importe, c’est que vous entriez au service de la Sublime-Porte. Vous examinerez les forêts, les mines, les lieux où l’on pourrait tracer des routes que, en tout cas, on ne tracera jamais, et vous en direz votre avis, si cela vous agrée. Allez ! Vous êtes recommandé à tous les gouverneurs de l’Empire. Quand vous reviendrez, on vous donnera un emploi qui vous fera peut-être entrer dans ce que le langage moderne appelle superbement « la vie pratique, » c’est-à-dire dans toutes les platitudes, les niaiseries, les lâchetés de l’existence actuelle. Encore une fois, allez, mes enfants. Pendant quelques mois, vous n’aurez rien à faire qu’à marcher devant vous, où vous voudrez, comme vous voudrez, vite ou lentement ; rien ni personne ne vous presse. J’ai connu cette vie ; et je la pleure éternellement. C’est la seule et unique qui soit digne d’un être pensant. Allez, soyez contents, remplissez le monde de votre amour, et votre amour de tout le charme infini du monde.

Voilà Valerio et Lucie débarqués sur les plages lointaines de Trébizonde. Ils ont traversé cette Mer Noire, cet Euxin qui a vu tant de choses, et, pourtant, de toutes ces choses, ce dont il se souvient le mieux