Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/422

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tu te moques, s’écria-t-il d’un air de triomphe, tu te moques des paroles que je viens de prononcer, parce que tu crois, toi, misérable, dont le nom est un objet d’horreur et la personne un objet de dégoût pour les populations au milieu desquelles tu vis, tu crois posséder seul la vérité et cette pauvre vérité se trouverait ainsi, dans le monde, comme une perle écrasée, ternie, jaunie, dépouillée de toute monture et gisant presque inconnue dans la fange  ! Eh bien  ! Tel que tu es, Shemsiyèh, je te proposerai aux autres pour exemple et ils verront que tu es leur modèle. Tes pères ont été puissants ; leurs erreurs se sont étendues sur tant de pays qui désormais professent d’autres dogmes que, sous le ciel, il n’était pas alors de place pour des religions différentes ; tes folies étaient considérées comme aussi sages que les démonstrations les plus sévères du bon sens ; et tes ancêtres les expliquaient avec conviction dans des temples de marbre et de porphyre. Tout est changé. L’esprit des hommes s’est tourné vers d’autres opinions ; mais console-toi, ces opinions seront un jour traitées comme la tienne ; et les multitudes considéreront un musulman, un juif, un chrétien, du même œil qu’elles te regardent aujourd’hui.

Le Shemsiyèh salua sans répondre et Valerio demanda au Sèyd  :

— Vous qui avez parcouru tant de régions, n’êtes-vous jamais entré sur un territoire européen ?