Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/89

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la fixait avec des yeux de lion, car il était en colère, et il la colla violemment contre la muraille :

— Eh bien ! mademoiselle, lui dit-il, qu’est-ce que cet enfantillage ? Si je n’étais pas celui que je suis, je vous traiterais comme vous le cherchez.

— Qu’est-ce que tu ferais ? répliqua impétueusement Omm-Djéhâne.

Moreno se mit à rire et la lâchant tout à coup sans faire le moindre geste qui impliquât l’envie de la désarmer, il lui répondit :

— Je vous embrasserais, mademoiselle ; car voilà ce que gagnent les jeunes filles qui se permettent d’agacer les garçons.

En parlant ainsi, il tira son mouchoir de sa poche et l’appuya sur sa poitrine. Le sang coulait fort et tachait sa chemise. Le coup avait été bien appliqué ; heureusement il n’avait pas pénétré, sans quoi Moreno aurait mesuré sa longueur sur le plancher sans plus se relever jamais.

Omm-Djéhâne souriait et dit d’un air de triomphe :

— Il ne s’en est pas fallu de beaucoup ! une autre fois, j’aurai la main plus sûre.

— Grand merci ! Une autre fois je serai sur mes gardes, et remarquez que vous avez gâté tout à fait vos affaires. Arrive, Assanoff, regarde la belle imagination de mademoiselle !

Assanoff était sur le seuil, le visage cramoisi, les yeux hors de la tête. Il venait d’achever son hébêtement avec