Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/137

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vaste étendue, circule, chez la race nationale (je laisse les autres à l’écart), un même esprit, une même intelligence de la civilisation possédée. Quels qu’en puissent être les principes, soit qu’on en approuve ou blâme les fins, il faut avouer que les multitudes y prennent une part démonstrative de l’intelligence qu’elles en ont. Et ce n’est pas que ce pays soit libre dans le sens où nous l’entendons, qu’une émulation démocratique pousse tout le monde à bien faire, afin de parvenir à la place que les lois lui garantissent. Non ; j’éloigne tout tableau idéal. Les paysans comme les bourgeois sont fort peu assurés, dans l’empire du Milieu, de sortir de leur position par la seule puissance du mérite. À cette extrémité du monde, et malgré les promesses officielles du système des examens appliqué au recrutement des emplois publics, il n’est personne qui ne se doute que les familles de fonctionnaires absorbent les places, et que les suffrages scolaires coûtent souvent plus d’argent que d’efforts de science (1)[1] ; mais les ambitions lésées, en gémissant sur les torts de cette organisation, n’en imaginent pas de meilleure, et l’ensemble de la civilisation existante est pour le peuple entier l’objet d’une imperturbable admiration.

Chose assez remarquable, l’instruction est en Chine très répandue, générale ; elle atteint et dépasse des classes dont on ne se figure pas aisément, chez nous, qu’elles puissent même sentir des besoins de ce genre. Le bon marché des livres (2)[2], la multiplicité et le bas prix des écoles, mettent les

  1. (1) « Il n’y a encore que la Chine où un pauvre étudiant puisse se présenter au concours impérial et en sortir grand personnage. C’est le côté brillant de l’organisation sociale des Chinois, et leur théorie est incontestablement la meilleure de toutes ; malheureusement l’application est loin d’être parfaite. Je ne parle pas ici des erreurs de jugement et de la corruption des examinateurs, ni même de la vente des titres littéraires, expédient auquel le gouvernement a quelquefois recours en temps de détresse financière... » (F. J. Mohl, Rapport annuel fait à la Société asiatique, 1846, p. 49.)
  2. (2) John F. Davis, The Chinese, in-16, London, 1840, p. 274. « Three or four volumes of any ordinary work of the octavo size and shape, may be had for a sum équivalent to two shillings. A Canton bookseller’s manuscript catalogue marked the price of the four books of Confucius, including the commentary at a price rather under half a crown. The cheapness of their common litteratur is occasioned partly by the mode of printing, but party also by the low price of paper. »