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vastes substructions sur lesquelles se sont graduellement élevées les assises, puis les murs, bref tous les développements sociaux des multitudes si variées dont l’ensemble compose la marqueterie de nos peuples. Mais on ne voyait pas la marche à suivre pour rien conclure.

Depuis la seconde moitié du dernier siècle, on raisonnait sur les annales générales et on prétendait, pourtant, à ramener tous ces phénomènes dont ils présentent les séries, à des lois fixes. Cette nouvelle manière de tout classer, de tout expliquer, de louer, de condamner, au moyen de formules abstraites dont on s’efforçait de démontrer la rigueur, conduisait naturellement à soupçonner, sous l’éclosion des faits, une force dont on n’avait encore jamais reconnu la nature. La prospérité ou l’infortune d’une nation, sa grandeur et sa décadence, on s’était longtemps contenté de les faire résulter des vertus et des vices éclatant sur le point spécial qu’on examinait. Un peuple honnête devait être nécessairement un peuple illustre, et, au rebours, une société qui pratiquait trop librement le recrutement actif des consciences relâchées, amenait sans merci la ruine de Suse, d’Athènes, de Rome, tout comme une situation analogue avait attiré le châtiment final sur les cités décriées de la Mer Morte.

En faisant tourner de pareilles clefs, on avait cru ouvrir tous les mystères ; mais, en réalité, tout restait clos. Les vertus utiles aux grandes agglomérations doivent avoir un caractère bien particulier d’égoïsme collectif qui ne les rend pas pareilles à ce qu’on appelle vertu chez les particuliers. Le bandit Spartiate, l’usurier romain ont été des personnages publics d’une rare efficacité, bien qu’à en juger au point de vue moral, et