Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/101

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nailler et brûler à petit feu. Allez, monsieur, je vous défie de faire ce que vous dites ! Vous n’oseriez ! vous n’iriez pas sacrifier tant de braves gens à votre rage, et vous afficher devant tout le monde pour un traître et un infâme ! Si vous le faites, c’est vous que vous punirez et non pas nous. Allez-vous-en ! »

L’intrépidité du chef se communiqua au reste de l’assemblée. Gines vit bien qu’il n’y avait pas d’espoir pour lui de les ramener à un autre avis. Après une pause d’un moment, « Je n’imaginais pas, dit-il… non, le diable m’emporte ! allez, je ne ferai pas le pleureur, non plus. J’ai toujours été franc dans mes principes, et un bon camarade envers vous tous. Mais puisque vous êtes décidés à me renvoyer, eh bien… bonsoir ! »

L’expulsion de cet homme produisit un excellent effet sur la troupe. Ceux qui avaient déjà du penchant à l’humanité s’attachèrent plus fortement à leurs principes, à mesure qu’ils virent les bons sentiments prendre le dessus. Jusque-là ils s’étaient laissé dominer par la fougue et l’insolence du parti contraire ; mais dès lors ils adoptèrent une conduite toute différente, et avec succès. Ceux qui, jaloux de l’ascendant que leur camarade avait usurpé sur eux, avaient imité ses façons d’agir, commencèrent à pencher vers une réforme. On rapporta des histoires de la cruauté et de la brutalité de Gines envers des hommes et des animaux, dont aucune n’était encore venue aux oreilles du chef. Je ne les répéterai pas ; car elles ne pourraient exciter que de l’horreur et