Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/105

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le plus fin, et ne voudrait mettre en œuvre que celui qui serait déjà assez altéré pour servir immédiatement aux usages les plus vils. Mais l’énergie de ces hommes ne se montrait à mes yeux qu’avec tous les vices de l’objet auquel elle était appliquée, dépourvue du secours des lumières, et guidée uniquement par des vues basses et étroites.

Le séjour que je viens de décrire paraîtrait à beaucoup de personnes accompagné de mille inconvénients intolérables. Mais, outre l’avantage qu’il avait d’offrir un champ vaste à l’imagination, c’était l’Élysée, en comparaison de celui d’où je venais de m’échapper. Les désagréments d’une mauvaise compagnie, l’incommodité du logement, la malpropreté, le tapage, tous ces inconvénients avaient perdu ce qui me causait le plus de dégoût et d’aversion, du moment où je ne me sentais plus obligé de les subir. Il n’était aucune peine que je ne pusse endurer avec patience, quand je la comparais avec celle de se voir menacé à toute heure d’une mort violente et prématurée. Il n’était aucune souffrance qui me parût mériter d’être comptée pour quelque chose, dès qu’elle n’était pas infligée par la tyrannie, par la froide et lâche prévoyance, ou par la vengeance barbare de mes semblables.

Ma santé se rétablissait de jour en jour. Les attentions et les complaisances de mon protecteur étaient continuelles, et son exemple avait inspiré les mêmes dispositions au reste de la troupe. Il n’y avait que la vieille qui conservait toujours son animosité contre moi. Elle me regardait comme la