Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/118

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M. Forester et ces différentes marques d’intérêt qu’il m’a données depuis ne seraient-elles qu’un jeu pour me tromper et m’endormir dans une perfide sécurité ? Ne serait-ce pas qu’il était continuellement tourmenté par la frayeur des terribles représailles qu’il avait à redouter de moi ? ne serait-ce pas pour cela qu’il aurait feint de céder en apparence au remords, tandis qu’il disposait en secret ses artificieuses batteries pour mieux assurer ma perte ? » Ce soupçon seul me pénétra d’une horreur inexprimable ; un frisson subit fit tressaillir jusqu’à la dernière fibre de mon corps.

Cependant ma blessure était parfaitement guérie, et il devenait nécessaire que je m’arrêtasse à quelque détermination pour l’avenir. Ma manière de penser me donnait une répugnance invincible pour le métier de mes hôtes. Je ne sentais pas, à la vérité, contre leurs personnes, cette aversion et cette horreur qu’ils inspirent communément. Je voyais et j’estimais leurs bonnes qualités et leurs vertus. Je n’étais nullement porté à les regarder comme une classe d’hommes plus méchante ou plus essentiellement ennemie du bien-être de l’humanité que la généralité de ceux qui les accablent de plus de blâme et de mépris. Mais sans cesser de les aimer comme individus, je ne m’aveuglais pas sur leurs erreurs. Quand même j’eusse été d’ailleurs en danger de me laisser égarer par leur exemple, c’était un bonheur pour moi d’avoir pu contempler des voleurs dans la prison, avant de les avoir vus dans leur état de prospérité, et c’était là un antidote infaillible contre