Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/120

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reçues. Tous ceux à qui elles s’adressaient étaient des gens qui avaient assez bien réussi à se persuader à eux-mêmes qu’ils exerçaient une profession innocente ; et, s’il leur restait quelques doutes dans l’esprit à cet égard, ils étaient venus à bout de les étouffer. Quelques-uns rirent de mes arguments, et me traitèrent comme une espèce de don Quichotte missionnaire. D’autres, et le capitaine en particulier, combattirent mes raisons avec toute l’assurance de gens qui croient défendre la meilleure cause. Mais ils ne restèrent pas longtemps dans cette bonne opinion et dans cette confiance. Ils avaient été accoutumés à disputer contre des arguments tirés de la religion et du respect dû aux lois. Il y avait longtemps qu’ils avaient secoué de pareils motifs, comme autant de préjugés. Mais je traitais la matière sous un autre point de vue et d’après des principes qu’ils ne pouvaient pas contester ; ce n’était pas là de ces reproches vagues et usés dont le son frapperait nos oreilles pendant un siècle, sans trouver dans notre cœur aucune fibre qui répondît à ses vibrations. Aussi, se voyant pressés par des objections inattendues et sans réplique, quelques-uns de mes auditeurs commencèrent à témoigner la mauvaise humeur et l’impatience que leur causait mon importune logique. Mais M. Raymond ne fut pas de ce nombre. Il était doué d’une candeur qui me semble sans égale. Il fut surpris d’entendre des objections aussi puissantes contre une thèse de morale qu’il croyait avoir examinée de tous les côtés. Il les discuta avec la plus grande impartialité. Il