Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/127

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méditais de rentrer dans le monde et de me rejeter dans la sphère où sa vengeance pouvait encore m’atteindre. Il me semblait que l’assassin avait le dessein de venir sur moi par surprise, que je voyais son dessein, et que pourtant, par quelque enchantement, je n’avais nul moyen de l’éviter. J’entendais les pas du meurtrier qui s’avançait lentement et avec précaution. Sa respiration, qu’il cherchait à retenir, frappait néanmoins mon oreille ; je le sentis arriver jusqu’à l’endroit où j’étais placé, et puis s’arrêter.

L’image devint alors trop terrible, je tressaillis, j’ouvris les yeux, que vis-je ? L’exécrable sorcière fondant sur moi avec un couperet de boucher dans les mains. J’esquivai le coup avec une vitesse plus rapide encore que la pensée, et l’instrument, qu’elle dirigeait sur ma tête, tomba impuissant sur le lit. Avant qu’elle eût le temps de se remettre en posture pour un second coup, je sautai sur elle, je saisis l’arme qu’elle tenait, et je la lui avais presque ôté des mains ; mais en un instant elle reprit ses forces et sa soif de sang ; il y eut entre nous une lutte furieuse, elle, animée par la haine et le désespoir, et moi, combattant pour ma vie. C’était une véritable amazone pour la vigueur, et jamais je ne me suis trouvé en tête d’un adversaire plus formidable. Elle avait le coup d’œil sûr, les mouvements prompts comme l’éclair, et de temps en temps, se ruant sur moi de toute la force de son corps, elle me donnait des secousses d’une violence inconcevable. À la fin pourtant, j’eus la victoire, je lui arrachai des mains