Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/140

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dans ma prison quinze jours avant ma fuite. Ma meilleure ressource dans ce moment de crise était de prendre un air de calme et d’indifférence. Heureusement pour moi, mon travestissement était si complet que l’œil même de M. Falkland aurait eu peine à me deviner. Depuis longtemps j’avais prévu qu’un tel secours pourrait me devenir nécessaire, et je m’y étais de bonne heure préparé. J’avais eu dès ma première jeunesse une extrême facilité pour l’imitation ; et quand je quittai ma retraite auprès de M. Raymond, j’adoptai avec mon attirail de mendiant une sorte de maintien gauche et villageois auquel j’avais recours pour peu que j’eusse à craindre d’être observé, ainsi qu’un jargon irlandais que j’avais eu occasion d’étudier dans ma prison. Voilà pourtant les misérables expédients, voilà les études d’artifice et de dissimulation auxquelles l’homme (l’homme qui ne mérite ce nom qu’à raison de sa fierté et de son indépendance) est quelquefois obligé de recourir pour échapper à l’animosité implacable et à la barbare tyrannie de son semblable ! Je m’étais servi de ce patois dans la conversation que j’avais eue au cabaret, quoique je n’aie pas cru nécessaire d’en faire mention dans mon récit. Le domestique de M. Forester s’aperçut en arrivant que ses camarades étaient en conversation avec moi, et, devinant bien quel en était le sujet, il s’informa s’ils avaient découvert quelque chose. Il ajouta à ce que les autres m’avaient déjà appris que la résolution était bien prise de n’épargner ni soins ni dépenses pour me trouver et me faire pendre, et que, si j’étais dans