Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/147

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duisit chez le juge de paix. Celui-ci avait été jadis capitaine d’un navire charbonnier ; mais, ayant eu du bonheur dans ses affaires, il avait quitté cette vie errante, et avait depuis quelques années l’honneur d’être un des représentants de Sa Majesté. On nous fit attendre quelque temps dans une espèce d’antichambre, jusqu’à ce que Sa Révérence eût le loisir de nous donner audience. Les hommes qui m’avaient amené étaient des agents au fait du métier, et ils voulurent à toute force que cet intervalle fût employé à me fouiller, en présence de deux domestiques du magistrat. Ils me trouvèrent quinze guinées et un peu d’argent. Ils exigèrent que je me dépouillasse entièrement, afin qu’ils pussent examiner si je n’avais pas de billets de banque cachés en quelque endroit. Ils prirent l’une après l’autre les guenilles qui composaient mon misérable vêtement à mesure que je les quittais, et ils les tâtèrent avec beaucoup de soin pour s’assurer si les objets qu’ils cherchaient n’y avaient pas été cousus. Je me soumis à tout sans murmurer. Vraisemblablement l’issue de l’affaire serait toujours la même, et la justice sommaire était une forme de procéder qui convenait assez à mes vues, mon principal objet étant de me débarrasser le plus tôt possible des respectables personnes qui me tenaient sous leur garde.

À peine cette opération fut-elle achevée, que nous fûmes appelés pour être introduits dans l’appartement de Sa Révérence le juge. Mes accusateurs commencèrent à exposer leurs griefs contre moi,