Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/155

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résistible à donner carrière à ce sentiment, et à mettre de côté, pour l’instant, toute considération de l’avenir. Je repoussai cette basse proposition avec le mépris qu’elle méritait. Ma fermeté surprit mes deux gardiens, mais ils regardèrent apparemment au-dessous d’eux de disputer avec moi sur les principes. Celui qui avait porté la parole se contenta de me répondre : « À la bonne heure, à la bonne heure, mon garçon, faites comme vous l’entendrez ; allez, vous ne serez pas le premier qui se sera laissé pendre pour ne pas vouloir lâcher quelques guinées. »

Ce mot ne tomba pas à terre ; il s’appliquait d’une manière frappante à ma situation actuelle, et il me détermina à ne pas laisser échapper l’occasion qui s’offrait, sans en profiter.

Néanmoins, ces messieurs étaient trop fiers pour qu’il y eût lieu à entamer pour le présent un nouveau pourparler sur ce sujet. Ils me quittèrent brusquement, après avoir préalablement donné ordre à un vieillard, qui était le père de l’hôtesse, de rester dans la chambre avec moi, tant qu’ils seraient absents. Ils ordonnèrent au vieillard de fermer la porte pour plus grande sûreté et de mettre la clef dans sa poche, en même temps qu’ils eurent soin en descendant d’avertir de l’état dans lequel ils me laissaient, afin que les gens de la maison eussent l’œil ouvert si je venais à m’échapper. Quelle était leur intention en agissant de cette manière ? c’est ce que je ne pourrais pas dire au juste. Vraisemblablement c’était une sorte de compromis entre leur orgueil et