Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/161

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consolerait jamais du malheur d’avoir eu un moment d’entretien avec moi. « Je ne sais pas, poursuivit-il, ce que la justice rigoureuse exige de moi dans cette circonstance ; mais, puisque ce n’est que par votre aveu que j’ai appris qui vous êtes, il répugne absolument à ma façon de penser de faire usage de cette connaissance à votre préjudice ; seulement là se terminera toute relation entre nous ; car, en vérité, ce serait un abus de mots que de vous appeler un être de l’espèce humaine ; certes, je ne vous ferai aucun mal, mais aussi, pour rien au monde, je ne voudrais vous aider ou vous favoriser en la moindre chose. »

L’horreur que j’inspirais à cette bonne et honnête créature m’affecta à un point que je ne saurais exprimer. Je ne pus me résoudre à me taire ; je tâchai encore à plusieurs reprises d’obtenir du vieillard qu’il daignât m’entendre. Mais il fut inflexible. Notre débat dura quelque temps, et il le fit cesser à la fin en tirant la sonnette et en appelant le garçon de l’auberge. Très-peu de temps après mes conducteurs rentrèrent, et alors les deux autres se retirèrent.

C’était une des singularités de ma destinée d’être continuellement précipité d’une espèce de tourment et de malheur dans une autre, avec tant de rapidité qu’aucun d’eux n’avait le temps de laisser une impression profonde sur mon âme. En retraçant mes infortunes, je suis porté à croire que la moitié des épreuves que j’étais destiné à subir aurait suffi pour m’accabler et m’anéantir. Mais, au milieu de cette foule de maux qui se croisaient sur ma tête, je