Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/164

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mais je pris mon chemin le long des frontières du pays de Galles. Le seul incident qui vaille ici la peine d’être rapporté, eut lieu à l’occasion d’un dessein que j’eus de traverser la Severn. On passait le fleuve sur un bac, et, par quelque inadvertance dont je ne saurais rendre raison, il m’arriva de perdre ma route si complétement qu’il me fut absolument impossible ce soir-là de gagner le bac, et de pousser jusqu’à la ville où je m’étais proposé de coucher.

Par une fatalité singulière, un aussi faible contretemps, au milieu de la foule d’idées accablantes qui auraient dû absorber toutes mes facultés, ne laissa pas que de me causer beaucoup d’impatience et de mauvaise humeur. J’étais extraordinairement fatigué ce jour-là. Avant le moment où je m’étais trompé de chemin, ou au moins avant que je me fusse aperçu de ma méprise, le temps était devenu brumeux et sombre ; bientôt après les nuages s’étaient fondus en une pluie battante. Je me trouvais alors au beau milieu d’une plaine, sans arbre ni abri d’aucune espèce pour me couvrir. J’avais été trempé en un moment. Dans ce fâcheux état, j’avais continué ma marche avec humeur et obstination. De temps à autre la pluie avait fait place à un orage de grêle qui tomba en grains très-gros et très-serrés ; j’avais été fort mal défendu par le misérable vêtement que je portais : en sorte que je m’étais senti comme criblé. Une pluie abondante était encore survenue. C’était alors que j’avais commencé à m’apercevoir que je m’étais totalement égaré de ma route.