Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/212

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ma propre indulgence ; et, plutôt que d’avoir recours à cette extrême récrimination, j’étais déterminé à endurer tout ce que pourrait supporter la nature humaine. Je trouvais dans cette pensée une consolation secrète au milieu de toutes mes calamités ; un sacrifice volontaire est toujours fait avec plaisir. Je me regardais comme marchant sous les bannières des confesseurs et des martyrs ; je m’applaudissais de ma force d’âme et de mon dévouement héroïque ; enfin je me complaisais dans l’idée que, si je voulais déployer sans pitié toutes mes ressources, quoique j’espérasse ne jamais en venir là, il ne tenait pourtant qu’à moi de mettre fin tout d’un coup aux souffrances et aux persécutions que j’endurais.

Et voilà donc ce que c’est que la justice des hommes ! Il y aura des circonstances où un homme ne pourra être reçu à dévoiler un crime, parce qu’il n’en aura pas été le complice ! La dénonciation d’un exécrable assassinat sera écoutée avec indifférence, tandis qu’un innocent se verra harcelé comme une bête fauve dans tous les coins de la terre ! Un revenu de 6,000 livres de rente sera une égide impénétrable aux accusations, et on rejettera une déclaration formelle et circonstanciée, parce qu’elle est faite par un domestique !

On me reconduisit à cette même prison dont j’avais forcé les portes peu de temps auparavant. Le désespoir dans le cœur, je revis ces mêmes murs que j’avais franchis, forcé de reconnaître que tant d’efforts extraordinaires n’avaient servi qu’à aug-