Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/224

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j’étais destiné aux vertus héroïques ; mais je vous rends grâce de m’avoir appris à conserver une force d’âme inébranlable.

» Qu’exigez-vous de moi ? Que je signe ma honte pour flatter votre honneur ? Où est l’égalité d’un pareil traité ? Par où donc me trouvé-je jeté à une distance si immense au-dessous de vous que tout ce qui a rapport à moi ne mérite pas même d’entrer en considération ? Vous avez été nourri dans le préjugé de la naissance : c’est un préjugé que j’abhorre. Vous m’avez réduit au désespoir : je parle comme le désespoir m’inspire.

» Vous me direz peut-être que je n’ai pas de réputation à perdre ; que, tandis que vous jouissez au plus haut degré de l’estime universelle, je suis partout réputé pour un voleur, un fourbe, un calomniateur. Soit. Jamais je ne ferai rien qui puisse donner quelque fondement à ces imputations. Plus je serai dépouillé de l’estime des hommes, plus j’aurai soin de me conserver la mienne. Ni crainte, ni aucun autre sentiment malentendu ne me fera faire une démarche dont je puisse avoir à rougir.

» Vous êtes déterminé à être mon ennemi pour jamais. Je n’ai rien fait pour mériter de vous cette haine éternelle. J’ai toujours eu pour vous de l’estime et de la pitié. Pendant bien longtemps j’ai mieux aimé affronter toutes les espèces d’infortunes que de révéler le secret qui vous tient à cœur. Certes, ce n’étaient pas vos menaces qui me fermaient la bouche ! Qu’auriez-vous pu me faire souffrir au delà de ce que j’ai enduré ? C’est l’humanité qui m’a