Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/226

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il fut retenu par le ton ferme et mesuré de mon discours, peut-être aussi par le désir de mieux connaître la situation de mon âme. Quand il s’aperçut que j’avais fini, il garda un moment le silence ; sa colère semblait bouillonner par degrés, jusqu’à ce qu’enfin elle ne put plus se contenir.

« Bien ! bien ! dit-il en grinçant les dents et frappant du pied. Vous refusez l’accommodement que je vous offre ! Ah ! je n’ai pas le pouvoir de vous persuader ! Vous me défiez ! au moins j’ai encore sur vous un genre de pouvoir ; je l’exercerai, et ce pouvoir-là vous écrasera. Je n’entends plus descendre à aucune explication avec vous. Je sais ce que je suis et ce que je puis être. Et vous, je sais ce que vous êtes et quel est le sort qui vous attend. »

En disant ces mots, il sortit de la chambre.

Ainsi se passa cette scène mémorable. Elle a laissé dans mon esprit des traces ineffaçables. L’air et la figure de M. Falkland, son état de dépérissement, cette empreinte de mort sur toute sa personne, son énergie et sa fureur plus qu’humaines, les paroles qu’il m’avait adressées, les motifs qui les lui inspiraient, toutes ces imaginations réunies firent sur moi une impression qu’il m’est impossible de peindre par des paroles. L’idée de son désespoir agita tout mon être. Combien est faible en comparaison cet enfer imaginaire que le fatal ennemi du genre humain est représenté traînant partout avec lui !

De cette idée mon âme se porta aussitôt à celle des menaces qu’il avait exhalées contre moi. C’était