Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/229

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parler, par égard pour notre maître, et dont vous savez tout aussi bien que moi qu’il est innocent comme l’enfant à la mamelle ? C’est pour tout cela que je voudrais de toute mon âme ne vous avoir jamais retrouvé devant mes yeux.

— Vous persistez donc, Thomas, à penser toujours aussi mal de moi ?

— Pire ! pire ! cent fois pire que jamais ! Avant cela, je vous croyais déjà aussi mauvais qu’il fût possible. Je ne peux pas, en vérité, m’imaginer à présent ce que vous deviendrez un jour. Mais, ma foi, vous vérifiez bien le proverbe : « Quand une fois le diable s’est emparé de nous, on ne sait plus où l’on s’arrêtera. »

— Et je ne verrai donc jamais de terme à mes malheurs ? Qu’est-ce que M. Falkland peut inventer de pire contre moi que cette mauvaise opinion et cette haine de tous mes semblables ?

M. Falkland inventer ! C’est encore le meilleur ami que vous ayez dans le monde, quoique vous ayez été un traître à son égard. Le pauvre homme ! le cœur me saigne seulement de le regarder ; c’est le chagrin et le malheur en personne, et, en vérité, Caleb, je crois que c’est à vous seul qu’il doit cela. Au moins vous lui donnez le coup de grâce, et c’est vous qui achèverez l’ouvrage de la maladie qui le mine depuis longtemps. Il y a eu un train du diable entre lui et le squire Forester. Celui-ci s’est mis avec raison dans une fureur de possédé contre mon maître, de ce qu’il l’a attrapé dans l’affaire du procès et de ce qu’il vous a sauvé la vie. Il jure ses