Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/276

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moi ? Je ne balancerai pas non plus. Tu n’as pas montré la moindre pitié ; n’en attends aucune de moi… Je serai calme… J’aurai un courage inébranlable, mais mesuré et recueilli.

Je touche au moment terrible… Je sens… oui, je crois sentir que je sortirai triomphant et que j’écraserai mon redoutable ennemi… Mais, quand il en serait autrement, il n’aura pas du moins le succès qu’il se propose. Sa renommée ne sera pas immortelle, comme il s’en flatte. Ce papier sera le dépositaire de la vérité ; un instant viendra où il sera mis au jour, et où le monde nous rendra justice à tous deux. Avec cette idée, je ne mourrai pas sans quelque consolation. Il ne sera pas dit que le règne de la tyrannie et de l’imposture doit être éternel.

Que les précautions de l’homme sont faibles et impuissantes contre ces immuables lois qui gouvernent le monde intellectuel ! Ce Falkland a inventé contre moi mille noires accusations ; il m’a poursuivi, comme une proie, de ville en ville. Il a tracé un cercle autour de moi pour que je ne pusse jamais échapper à sa puissance. Il a tenu sa meute à figures d’hommes sur mes traces, et l’a sans relâche animée à ma poursuite. Il peut me relancer jusqu’aux extrémités du monde… Vains efforts ! avec cette seule arme, avec cette faible plume, je brave toutes ses machinations, je lui enfonce le poignard à l’endroit même qu’il cherche le plus à défendre.

Collins, c’est maintenant à vous que je m’adresse. J’ai consenti à me priver de votre assistance dans la situation épouvantable où je me trouve. Je mour-