Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/289

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m’imputer un crime honteux et capital. M’est-il échappé alors un seul mot de ce meurtre, dont le secret était dans mes mains ?

» Est-il un homme qui ait souffert plus que moi des injustices sociales ? J’étais accusé d’une basse scélératesse, dont l’idée seule me révoltait. Je fus mis en prison. Je ne ferai pas ici la longue énumération des horreurs de ma captivité, dont la moindre ferait frémir quiconque a conservé un sentiment d’humanité. Je n’avais d’autre perspective que la potence ! Jeune, plein d’ardeur et de vie, innocent comme l’enfant qui naît au monde, un horrible gibet était le terme de ma destinée ! J’étais dans la persuasion qu’un mot d’accusation contre mon maître me délivrerait de tous ces maux ; cependant je gardai le silence, je m’armai de patience et de courage, ne sachant si je devais l’accuser ou mourir. Est-ce là la conduite d’un homme indigne de confiance ?

» Je me déterminai à m’évader de prison. Après plusieurs tentatives infructueuses et mille difficultés, je vins à bout d’exécuter ce dessein. Aussitôt paraît une proclamation contre moi avec une récompense de cent guinées pour m’arrêter. Je me vis obligé de chercher un refuge au milieu de la fange et du rebut de l’espèce humaine, dans le sein d’une bande de voleurs. Je faillis perdre la vie au moment où j’entrai dans cette retraite, et au moment où j’en sortis. Immédiatement après, je parcourus presque toute l’étendue du royaume sous les haillons de la misère et dans la plus affreuse détresse, en