Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/291

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nus ; je ne le voyais que comme un persécuteur toujours impitoyable. Quel que fût celui qui accumula sur ma tête calamités sur calamités, je ne pouvais jamais oublier que toutes avaient pour origine sa fausse accusation.

» Les poursuites judiciaires dirigées contre moi pour vol domestique étaient enfin terminées. Pourquoi donc ne pas permettre que ce fût aussi là le terme de mes souffrances, et ne pas me laisser aller dans quelque retraite obscure, mais tranquille, cacher ma tête proscrite ? Ma constance et ma fidélité n’avaient-elles pas été suffisamment à l’épreuve ? Dans cet état de choses, un traité de paix entre nous n’était-il pas le parti le plus sage et le plus sûr ? Mais la jalouse inquiétude de M. Falkland ne lui permit pas de rien donner à la confiance. Le seul traité qu’il me proposa, ce fut de signer de ma propre main ma honte et mon infamie. Je rejetai cette proposition, et, depuis ce moment, j’ai toujours été relancé de ville en ville ; partout je me suis vu arracher le repos, l’honneur et le moyen de gagner ma vie. Longtemps j’ai persisté dans la résolution que j’avais prise, qu’aucun genre de persécution ne me porterait à me rendre l’agresseur. Enfin, dans un moment funeste, j’ai trop écouté mon ressentiment et mon impatience, et l’erreur d’un seul instant a amené la scène de ce jour.

» Je vois maintenant toute l’énormité de ma faute. Je suis sûr que, si j’eusse ouvert mon cœur à M. Falkland, si je lui eusse dit en particulier tout ce que je viens de dire ici, il n’aurait pu résister à