Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/37

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vanité d’avoir banni de leur île fortunée cet usage monstrueux ! Hélas ! celui qui a pu voir les mystères d’une prison peut dire si le fouet et le chevalet des tortionnaires sauraient jamais infliger de torture comparable à l’agonie lente et silencieuse dans laquelle un prisonnier traîne son existence.

Tels étaient nos jours. Au soleil couché paraissaient nos geôliers, qui ordonnaient à chacun de se retirer pour être enfermé dans son cachot. C’était une circonstance qui aggravait cruellement notre sort que d’être sous la discipline arbitraire de ces êtres durs et despotiques. Jamais hommes ne furent aussi étrangers à toute idée de sensibilité et de commisération. Ils prenaient un plaisir barbare à donner leurs ordres odieux et à observer la répugnance avec laquelle on y obéissait. Quand ils avaient parlé, il n’y avait pas à répliquer ; les fers, le pain et l’eau étaient la rétribution inévitable de la moindre résistance. Leur tyrannie n’avait d’autres bornes que leurs caprices. À qui en appellerait le malheureux prisonnier ? Ira-t-il se plaindre, quand il a la certitude que ses plaintes ne seront pas entendues ? Un rapport sur la rébellion et la nécessité de prendre des précautions sont pour le geôlier un infaillible refuge, et opposent une barrière insurmontable à toute espèce de réparation.

Nos cachots étaient des cellules de sept pieds sur six, creusées plus bas que la terre, humides, sans aucune ouverture pour l’air ou la lumière, si ce n’est quelques trous pratiqués dans la porte. Dans quelques-uns de ces affreux réceptacles, on entassait