Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/44

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auquel ne s’offrait jamais ni amusement ni occupation pour tromper l’ennui de ses pénibles heures, ne pouvait trouver qu’un sommeil court, agité et peu propre à rafraîchir les sens. La perplexité et le désordre de mon imagination me tourmentaient encore plus dans mes rêves que dans les pensées de mes veilles. À ces intervalles de sommeil succédaient les heures que le régime de la prison m’obligeait de passer, quoique éveillé, dans ces ténèbres solitaires. Là, je n’avais ni livres, ni plumes, ni rien qui fût propre à fixer mon attention ; c’était l’uniformité du néant. Quelle misère pour un esprit actif et infatigable comme le mien ! Je ne pouvais pas me plonger dans la léthargie ; je ne pouvais pas oublier mes malheurs ; cette horrible image me poursuivait sans relâche avec la malignité d’un démon. Barbare, inexorable politique des institutions humaines, qui condamne un homme à des tourments aussi douloureux, qui les sanctionne au moins par sa coupable indifférence et les appelle la sauvegarde de la liberté ! Mille fois j’aurais brisé ma tête proscrite contre les murs de mon cachot ; mille fois j’ai soupiré après la mort, et j’ai embrassé avec une ardeur inexprimable l’espoir de trouver un terme à mon horrible martyre ; mille fois j’ai formé le projet de porter sur moi-même une main homicide, et j’ai délibéré, dans l’amertume de mon âme, sur les différents moyens de secouer le fardeau de l’existence. Qu’avais-je à faire de la vie ? J’en avais assez vu pour ne la plus regarder qu’avec horreur. Pourquoi attendrais-je les lentes formalités