Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/52

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mais pourquoi la partie pensante ne viendrait-elle pas à bout d’alléger cette charge de manière à ne la plus sentir ? Ces réflexions des premiers temps de ma jeunesse n’étaient nullement étrangères à l’objet de mes recherches actuelles.

Dans la maison de mon père, notre plus proche voisin était un charpentier. Tout plein du genre de lecture dont j’ai parlé, j’étais extrêmement curieux d’examiner ses outils, leurs effets et leur usage. Ce charpentier était doué d’une rare intelligence, et ses facultés, n’ayant eu guère à s’exercer que dans sa profession, il était devenu fertile en inventions et raisonnait sur son métier d’une manière fort ingénieuse. Sa conversation m’intéressait donc vivement, et mon esprit éclairé par les lumières du sien perfectionnait même quelquefois les idées de mon maître. Je me mis d’abord à travailler avec lui pour mon amusement, et ensuite pendant quelque temps comme son compagnon. J’étais d’une constitution vigoureuse, et par l’habitude du travail j’ajoutai à l’avantage abstrait de ma force celui de savoir l’appliquer, quand je voulais, de manière à n’en pas perdre la moindre partie.

C’est une chose étrange, quoique assez ordinaire, que les ressources même qui nous seraient le plus utiles dans une situation critique, quelque familières qu’elles nous soient, ne viennent pas s’offrir à notre esprit quand il s’agirait de les mettre en œuvre. Ainsi, depuis ma détention, mon esprit avait déjà parcouru deux cercles d’idées extrêmement différents avant que ce moyen de délivrance se fût pré-