Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/54

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même époque, le geôlier commença à changer de conduite à mon égard. Un matin, il me fit venir dans la partie du bâtiment destinée à son usage ; là, après avoir un peu cherché ses paroles, il me dit qu’il était fâché de ce que je n’avais pas été placé plus commodément, et il me demanda si je m’arrangerais mieux d’avoir une chambre dans sa propre habitation. Frappé d’une question à laquelle je m’attendais si peu, je voulus savoir de lui si quelqu’un lui avait fait pour moi cette demande. Il me répondit que non ; mais que les assises étaient passées, qu’il avait moins de prisonniers sur les bras et un peu plus de temps pour se reconnaître. Il ajouta qu’il me croyait une bonne pâte de jeune homme, et qu’il m’avait pris en amitié. À ce mot, je fixai sur lui un œil scrutateur ; je ne découvris rien sur son visage qui portât l’expression ordinaire d’un pareil sentiment ; il m’avait l’air d’un homme jouant un rôle qui ne va pas à sa figure et qui lui donne de la contrainte et de la gaucherie. Il en vint toutefois à me faire l’offre de manger à sa table, ajoutant que, si cela me convenait, il n’en ferait pas plus gros ordinaire, et il entendait qu’il ne m’en coûtât rien de plus pour cela ; qu’à la vérité, pour lui, il avait toujours tant d’affaires qu’il n’avait pas un moment de reste ; mais que sa femme et sa fille Marguerite seraient enchantées d’entendre causer un homme d’esprit, comme il savait que j’étais, et que peut-être moi-même je ne trouverais pas leur compagnie désagréable.

Je réfléchis sur cette proposition, et je ne fis pas