Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/70

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les seules choses qu’on daigna me laisser étaient une chaise et une couverture.

J’entrevis au bout de peu de temps la perspective de quelque soulagement ; mais le mauvais sort qui me poursuivait fit évanouir cette faible espérance. Le geôlier vint encore une fois me trouver, avec cet air équivoque d’humanité si étranger à sa figure. Il feignit d’être surpris de me voir ainsi manquer de tout. Il me réprimanda fort sévèrement de la tentative que j’avais faite, et il déclara qu’il fallait absolument dans son état renoncer à avoir de bons procédés pour les gens, si, au bout du compte, ils ne sentaient pas le bien qu’on leur faisait ; que dans pareil cas on était bien forcé de laisser aller le cours de la justice, et qu’il serait fort ridicule à moi de me plaindre si j’étais jugé dans les formes, et que les choses vinssent à tourner mal pour moi ; qu’il cherchait tous les moyens pour me faire voir qu’il était mon ami, pourvu que, de mon côté… Il était au milieu de cette circonlocution de son préambule, quand on l’appela pour quelque affaire relative à son emploi. Je me mis alors à méditer sur ces ouvertures, et, quoique je détestasse la source dont je les supposais provenir, je ne pouvais cependant m’empêcher de songer jusqu’à quel point il me serait possible d’en tirer parti pour une nouvelle évasion. Mais mes conjectures furent vaines de ce côté-là. Le geôlier ne reparut pas du reste de la journée, et le lendemain il survint un incident qui mit fin à toutes les espérances que je pouvais fonder sur ses bonnes dispositions.