Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/85

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autre passer tout à côté de ma niche : ils étaient si près de moi que si j’avais allongé la main, je crois que j’aurais pu toucher leurs habits sans remuer de ma place. Comme il n’y avait entre eux et moi aucune partie du monticule sous lequel j’étais, je pouvais les voir en entier, quoique l’ombre fût assez étendue pour me laisser à peu près invisible. Je les entendis se parler entre eux, d’un ton de colère : « Maudit soit le coquin ! disait l’un ; où peut-il être allé ? — Que le diable l’emporte ! disait l’autre. Je voudrais seulement le tenir encore une bonne fois. — N’aie pas peur, répliqua l’autre, il ne peut pas avoir plus d’un demi-mille d’avance sur nous. » Je ne pouvais plus les entendre ; quant à les voir, je n’osais pas seulement m’avancer d’un pouce pour regarder, de peur d’être découvert par ceux qui seraient à ma poursuite dans une autre direction. Par le peu de temps qui s’était écoulé entre l’instant de mon évasion et l’apparition de ces deux hommes, je conclus qu’ils étaient passés par l’issue que j’avais faite moi-même, car il était impossible qu’ils eussent eu le temps de sortir par la porte de la prison et de faire un détour considérable dans la ville, comme ils y auraient été obligés sans cela.

Cette preuve de diligence de la part de l’ennemi m’alarma tellement, que je fus quelque temps sans oser quitter d’un pas le lieu de ma retraite, ni presque changer de posture. Le temps avait été dès le matin couvert d’une brume, qui se changea avec le jour en une pluie presque continuelle.