Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/31

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beauté impérieuse, il s’alarmait des moindres circonstances qui lui semblaient porter atteinte au privilége de ses prétentions ; mais par-dessus tous, le jeune Anglais était l’objet de sa jalousie. Le marquis Pisani, ayant passé plusieurs années en France, n’avait pas l’habitude des précautions soupçonneuses des pères de famille italiens, et il laissait à sa fille une très-grande liberté. Les hommes avaient un libre accès auprès d’elle, sans autre cérémonie que celle qu’exigent les bienséances. Mais surtout M. Falkland, en sa qualité d’étranger et comme un homme qui n’était pas dans le cas d’avoir des prétentions à la main de Lucretia, était admis sur le pied d’une grande familiarité. La jeune Italienne, dans l’innocence de son cœur, ne se faisait pas scrupule d’écouter des compliments sans conséquence, et se comportait avec la franchise d’une femme qui se sent au-dessus du soupçon.

M. Falkland, après avoir demeuré plusieurs semaines à Rome, se rendit à Naples. Pendant ce temps, divers incidents différèrent le mariage projeté de l’héritière de Pisani. Quand il revint à Rome, le comte Malvesi était absent. Lucretia, qui avait extrêmement goûté la conversation de M. Falkland, était douée d’un esprit vif ; avide d’instruction, elle avait conçu, dans l’intervalle de ses deux séjours à Rome, une grande envie de savoir l’anglais ; envie qui lui avait été inspirée par l’enthousiasme avec lequel elle avait entendu vanter nos meilleurs auteurs par leur compatriote. Elle s’était procuré tous les livres nécessaires, et avait fait quelques progrès