Page:Goethe-Nerval - Faust 1828.djvu/11

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chent le plus de Faust sont ceux de Manfred et de don Juan, mais encore quelle différence ! Manfred est le remords personnifié, mais il a quelque chose de fantastique qui empêche la raison de l’admettre ; tout en lui, sa force comme sa faiblesse, est au-dessus de l’humanité ; il inspire de l’étonnement, mais n’offre aucun intérêt, parce que personne n’a jamais participé à ses joies ni à ses souffrances. Cette observation est encore plus applicable à don Juan ; si Faust et Manfred ont offert, sous quelques rapports le type de la perfection humaine, il n’est plus que celui de la démoralisation, et livré enfin à l’esprit du mal ; on sent qu’ils étaient dignes l’un de l’autre.

Et cependant, dans tous trois, le résultat est le même, et l’amour des femmes les perd tous trois !…

Quel parallèle entre ces grandes créations si différentes !… je n’ose me laisser entraîner à le prolonger ! mais si celle de Faust est bien supérieure aux deux autres, combien Marguerite surpasse et les amantes vulgaires de don Juan, et l’imaginaire Astarté de Manfred ! En lisant les scènes de la seconde partie où sa grâce et son innocence brillent d’un éclat si doux, qui ne se sentira touché jusqu’aux larmes, qui ne plaindra de toute son âme cette malheureuse sur laquelle s’est acharné l’esprit du mal, qui n’admirera cette fermeté d’une âme pure, que l’enfer fait tous ses efforts pour égarer, mais qu’il ne peut séduire ; qui, sous le couteau fatal, s’arrache aux bras de celui qu’elle chérit plus que la vie, à l’amour, à la liberté, pour s’abandonner à la justice de Dieu, et à celle des hommes plus sévère encore ?

Quelle combinaison !… Quelle horrible torture pour Faust, à qui son pacte promettait quelques