Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/383

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qui dévastait ces campagnes ; tu es devenu un dieu pour le peuple… mais, pour notre ordre, un ennemi ! et tu as enfanté un monstre bien autrement fatal que n’était celui-ci…, un serpent qui souille le cœur, qui produit la discorde et la destruction, en un mot, la désobéissance ! Elle hait toute espèce de subordination, brise les liens sacrés de l’ordre, et fait le malheur de ce monde.

« Le Turc est brave comme nous… C’est l’obéissance qui doit nous distinguer de lui : c’est dans les mêmes lieux où le Seigneur est descendu de toute sa gloire à l’état abject d’un esclave, que les premiers de cet ordre l’ont fondé afin de perpétuer un tel exemple : l’abnégation de toutes nos volontés, devoir qui est le plus difficile de tous, a été la base de leur institution ! — Une vaine gloire t’a séduit… Ôte-toi de ma vue… Celui qui ne peut supporter le joug du Seigneur n’est pas digne de se parer de sa croix. »

La foule, à ces mots, s’agite en tumulte et remplit le palais d’impétueux murmures. Tous les chevaliers demandent en pleurant la grâce de leur frère… Mais celui-ci, les yeux baissés, dépouille en silence l’habit de l’ordre, baise la main sévère du grand maître, et s’éloigne. Le vieillard le suit quelque temps des yeux, puis, le rappelant du ton de l’amitié : « Embrasse-moi, mon fils ! tu viens de remporter un combat plus glorieux que le premier : prends cette croix ; elle est la récompense de cette humilité qui consiste à se vaincre soi-même. »




JEANNE D’ARC


Le démon de la raillerie t’a traînée dans la poussière pour souiller la plus noble image de l’humanité. L’esprit du monde est éternellement en guerre avec tout ce qu’il y a de beau et de grand : il ne croit ni à Dieu ni aux esprits célestes, il veut ravir au cœur tous ses trésors, il anéantit