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BURGER

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LÉNORE


Lénore se lève au point du jour, elle échappe à de tristes rêves : « Wilhelm, mon époux ! es-tu mort ? es-tu parjure ? Tarderas-tu longtemps encore ? » Le soir même de ses noces, il était parti pour la bataille de Prague, à la suite du roi Frédéric, et n’avait depuis donné aucune nouvelle de sa santé.

Mais le roi et l’impératrice, las de leurs querelles sanglantes, s’apaisant peu à peu, conclurent enfin la paix ; et cling ! et clang ! au son des fanfares et des cymbales, chaque armée, se couronnant de joyeux feuillages, retourna dans ses foyers.

Et partout et sans cesse, sur les chemins, sur les ponts, jeunes et vieux, fourmillaient à leur rencontre. « Dieu soit loué ! » s’écriait maint enfant, mainte épouse. « Sois le bienvenu ! » s’écriait mainte fiancée. Mais, hélas ! Lénore seule attendait en vain le baiser du retour.

Elle parcourt les rangs dans tous les sens ; partout elle interroge. De tous ceux qui sont revenus, aucun ne peut lui donner de nouvelles de son époux bien-aimé. Les voilà déjà loin : alors, arrachant ses cheveux, elle se jette à terre et s’y roule avec délire.

Sa mère accourt : « Ah ! Dieu t’assiste ! Qu’est-ce donc, ma pauvre enfant ? » Et elle la serre dans ses bras. « Oh ! ma mère, ma mère, il est mort ! mort ! que périsse le monde et tout ! Dieu n’a point de pitié ! Malheur ! malheur à moi !