Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome I.djvu/50

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— Si j’ai pleuré solitaire, eh bien, ma douleur est toute à moi ; et mes larmes coulent doucement : elles soulagent mon cœur.

— Tes joyeux amis te convient : oh ! viens dans nos bras ! Et quelque bien que tu aies perdu, cesse de pleurer ta perte.

— Vous faites vacarme et tapage, et ne soupçonnez pas ce qui tourmente l’infortuné. Non, ce trésor, je ne l’ai pas perdu, si fort qu’il me manque.

— Eh bien, relève-toi promptement ; tu es jeune : à ton âge, on a la force, on a le courage de conquérir.

— Non, non, je ne puis le conquérir : il est trop loin de moi. Aussi haute est sa demeure, aussi belle sa clarté, que celle de l’étoile.

— Les étoiles, on ne les désire point ; on jouit de leur éclat, et on lève les yeux avec ravissement dans chaque nuit sereine.

— Et je lève les yeux avec ravissement pendant des jours et des jours. Laissez-moi passer les nuits à pleurer, tant que j’aurai des larmes. »

Chant nocturne[1].

Oh ! de tes moelleux coussins, daigne, en rêvant, prêter l’oreille un peu ! Aux sons de ma guitare, sommeille !… Que veux-tu davantage ?

Aux sons de ma guitare, l’armée des étoiles bénit les sentiments éternels. Sommeille !… Que veux-tu davantage ?

Les sentiments éternels m’exaltent, m’entraînent loin du terrestre tourbillon. Sommeille !… Que veux-tu davantage ?

Le terrestre tourbillon, tu ne m’en sépares que trop : tu me relègues dans cette froide nuit. Sommeille !… Que veux-tu davantage ?

Tu me relègues dans cette froide nuit ; tu ne m’écoutes qu’en songe. Hélas ! sur tes moelleux coussins, sommeille !… Que veux-tu davantage ?

  1. Imitation d’un chant populaire italien, dont voici la première strophe :

    Tu sei quel dolce fuoco,
    L’anima mia sei tu,
    E degli affetti miei…
    Dormi, che vuoi di più ?