Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/458

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SCÈNE I.

EUGÉNIE, LA GOUVERNANTE.

EUGÉNIE.

Avec quelles chaînes m’as-tu ramenée ? Cette fois encore, je t’obéis contre ma volonté. Puissance maudite de la voix qui m’accoutuma autrefois si doucement à l’obéissance ; qui s’empara, dans toute son étendue, de ma docilité première ! C’est de toi que j’appris d’abord le sens des mots, la force et l’ingénieux artifice du langage. C’est la bouche qui m’apprit à connaître et le monde et mon propre cœur. Maintenant tu emploies contre moi cette magie ; tu m’enchaînes, tu me traînes ck et là ; mon esprit s’égare, mes sens s’épuisent, et je voudrais descendre chez les morts.

’ LA GOUVERNANTE.

Oh ! si cette puissance magique avait opéré, quand je te priai avec instance, avec supplications, de renoncer à ces grands desseins !

EUGENIE.

Tu prévoyais un si grand mal, et tu n’avertissais pas mon courage trop confiant ?

LA GOUVERNANTE.

Je pouvais bien t’avertir, mais seulement avec réserve : une parole prononcée donnait la mort.

EUGÉNIE.

Et derrière ton silence était le bannissement ! Une parole de mort était bien préférable.

GŒTHE. — TH. Il 29




LA GOUVERNANTE.