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LA GAGEURE.

Foerster.

Paroles ! pures paroles !

Dorn.

Pour éprouver s’il n’y avait rien de plus, je leur fis la proposition suivante. « Vous connaissez, leur dis-je, les deux chambres contiguës que j’habitais avec ma défunte : elles ont une porte de communication, avec un grillage couvert d’un rideau, qui peut être levé d’un côté aussi bien que de l’autre. Quand nous voulions nous parler, ma femme et moi, tantôt l’un tantôt l’autre tirait ce rideau. Vous, fiancés, vous habiterez ces deux chambres, et vous gagerez à qui de vous deux sentira plus douloureusement la séparation, regrettera l’autre davantage, et fera le premier pas pour le revoir. » D’un consentement mutuel, on a tenté l’épreuve ; ils se sont établis ; j’ai tiré le rideau : voilà le point où en est l’affaire.

Foerster.

Et depuis quand ?

Dorn.

Depuis une semaine,

Foerster.

Et il ne s’est rien passé encore ?

Dorn.

Je ne crois pas ; car Jean et Frédérique, qui surveillent attentivement leurs maîtres, avaient l’ordre de me le faire savoir aussitôt à la ville. Je n’avais point de nouvelles, et l’impatience m’a ramené, pour apprendre dans le voisinage la suite de l’affaire.

Foerster.

Et j’arrive justement pour cette bizarre aventure, et, à cause de la singularité, il me prend fantaisie de séjourner avec toi dans cette méchante auberge, au lieu d’un confortable château.

Dorn.

J’espère que cette gêne ne durera pas longtemps. Arrange-toi aussi bien que tu pourras : dans l’intervalle, nos surveillants paraîtront sans doute aussi.

Foerster.

Je suis moi-même impatient de savoir l’issue ; car au fond la