Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/144

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FAUST, terrassé.

Je ne suis pas le tien ? De qui donc ?… Moi, l’image de la divinité ?… Et pas même ton égal ? (On frappe.) Ô mort ! Je devine… c’est mon serviteur…. Voilà mon suprême bonheur à néant !… Paut-il que ce misérable sournois vienne troubler ces belles visions ! (Wagner s’avance en robe de chambre et en bonnet de nuit, une lampe à la main. Faust se détourne avec humeur.)

WAGNER.

Pardon, je vous entends déclamer. Vous lisiez sans doute une. tragédie grecque ? J’aimerais à faire quelques progrès dans cet art, car aujourd’hui cela est d’un grand effet. J’ai souvent oui dire qu’un comédien en peut remontrer à un prédicateur.

FAUST.

Oui, si le prédicateur est un comédien, comme il peut bien arriver quelquefois.

WAGNER.

Ah ! lorsqu’on est ainsi relégué dans son cabinet, et que l’on voit à peine le monde aux jours de fête, à peine à travers une lunette, et seulement de loin, comment peut-on le conduire par la persuasion ? • .

FAUST.

Si vous ne le sentez pas, vous n’y parviendrez jamais ; si cela ne jaillit de votre âme, et si, avec une facilité naturelle, vous n’enchaînez les cœurs de tous les écoutants. Restez assis éternellement, collez une bribe à une autre, composez un ragoût des festins d’autrui, et soufflez sur votre petit monceau de cendres, pour en faire sortir une misérable flamme. Vous serez admiré des enfants et des singes, si tel est votre goût, mais vous n’aurez sur les cœurs aucun empire, si vos paroles ne partent du cœur.

WAGNER.

Mais le débit fait la fortune de l’orateur : je le sens bien, je suis encore très-reculé.

FAUST.

Cherchez le succès honnête. Ne soyez pas un fou secouant des grelots. La raison et le bon sens se produisent d’eux-mêmes avec peu d’art. Et, quand vous avez tout de bon quelque chose à dire, est-il nécessaire de faire la chasse aux mots ? Oui, vos