Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/15

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IPHIGÉNIE.

Vous avez ma constante reconnaissance.

ARCAS.

Mais non la reconnaissance pure pour l’amour de laquelle on fait le bien ; le joyeux regard qui témoigne à l’hôte un esprit content, un cœur affectueux. Lorsqu’une destinée impénétrable t’amena dans ce temple, il y a tant d’années, Thoas t’accueillit avec respect et avec tendresse, comme un présent des dieux ; et ij te fut propice et favorable ce rivage, auparavant plein d’horreur pour chaque étranger : car, avant toi, nul nlaborda notre jîmpire sans tomber, selon l’antique usage, victime sanglante, sur les marches sacrées du temple de Diane.

IPHIGÉNIE.

Respirer en liberté n’est pas toute la vie. Quelle est donc cette vie, que je dois passer dans le deuil tout entière en ce séjour sacré, telle qu’une ombre autour de son propre tombeau ? Et appellerai-je une vie heureuse et sentie, celle où chaque jour, écoulé vainement comme un songe, nous prépare à ces jours lugubres, que la noire troupe des morts, s’oubliant elle-même, passe inactive sur les bords du Léthé ? Une vie inutile est une mdrt anticipée : cette destinée des femmes est avant tout la mienne.

ARCAS.

Ce noble orgueil, qui te rend mécontente de toi-même, je te le pardonne, autant que je te plains : il te dérobe la jouissance de la vie. Tu n’as rien fait ici depuis ton arrivée ? Qui a rendu sereine l’humeur sombre du roi ? Qui a interrompu, d’année en année, par une douce persuasion, l’antique et cruel usage, selon lequel chaque étranger laisse son sang et sa vie devant l’autel de Diane ? Qui renvoya souvent dans leur patrie les prisonniers sauvés d’une mort certaine ? Diane, au lieu d’être courroucée de ce qu’elle n’obtient plus ses anciens sacrifices sanglants, n’a-t-elle pas exaucé tes douces prières dans une large mesure ? Ne voit-on pas la victoire planer d’un vol joyeux sur l’armée, et même la devancer d’une course rapide ? Et chacun ne jouit-il pas d’un meilleur sort, depuis que le roi, qui nous conduisit longtemps avec sagesse et courage, se plaît aussi maintenant à la douceur en ta présence, et nous rend plus