Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/21

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table de Jupiter dans l’opprobre de l’antique Tartare. » Hélas ! et toute sa race porta la haine des dieux !

THOAS.

Est-ce qu’elle porta la faute de son ancêtre ou la sienne ?

IPHIGÉNIE.

A la vérité, la puissante poitrine et la mâle vigueur des Titans fut l’héritage certain de ses fils et de ses petits-fils ; mais le dieu forgea autour de leur front un bandeau d’airain ; il déroba a leur regard farouche et sombre la prudence, la modération et la sagesse et la patience : chaque désir devenait chez eux une fureur, et leur fureur se déployait sans mesure. Déjà Pélops, au cœur indomptable, fils chéri de Tantale, conquit, par le meurtre et la trahison, la plus belle des femmes, Hippodamie, fille d’OEnomaiis. Elle donna aux vœux de son époux deux fils, Thyeste et Atrée. Ils voient avec envie l’amour de leur père pour son premier fils, né d’un autre lit. La haine les unit, et le couple hasarde en secret, par le fratricide, son premier attentat. Le père soupçonne Hippodamie de ce meurtrej.il lui redemande avec fureur son fils, et elle se donne la mort.

THOAS.

Tu fais silence ? Poursuis ;«, ne regrette pas ta confiance : parle !

IPHIGÉNIE.

Heureux celui qui se souvient avec plaisir de ses pères ; qui entretient avec joie l’étranger de leurs actions, de leur grandeur, et goûte une satisfaction secrète à se voir le dernier anneau de cette belte chaîne ! Car une race n’enfante pas soudain le demi-dieu ni le monstre ; c’est seulement une suite de méchants ou de bons qui produit à la fin l’horreur ou la joie du monde…. Après la mort de leur père, Atrée et Thyeste régnent sur la ville, se partageant le trône. La concorde ne pouvait durer longtemps. Bientôt Thyeste déshonore la couche de son frère. Atrée, pour se venger, le chasse du royaume. Déjà le perfide Thyeste, méditant des crimes, avait depuis longtemps dérobé un fils à son frère, et, avec une feinte tendresse, l’avait élevé secrètement comme sien. Il lui remplit le cœur de rage et de vengeance, et l’envoie à la ville royale, afin que, dans son oncle, il tue son oropre père. Le dessein du jeune homme est découvert ;