Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/271

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Bourreau, qui t’a donné sur moi ce pouvoir ? Tu viens déjà me chercher à minuit ! Aie pitié de moi et laisse-moi vivre ! Demain matin, n’est-ce-pas assez tôt ? (Elle se lève.) Je suis pourtant si jeune, si jeune !… Et il me faut déjà mourir ! J’étais belle aussi, et ce fut ma perte. Le bien-aimé était près de moi : à présent il est loin. La couronne est déchirée, les fleurs sont dispersées. Ne me saisis pas si violemment…. Épargne-moi…. Que t’ai-je fait ? Ne me laisse pas prier en vain. Je ne t’ai pourtant vu de ma vie.

«faust.

Résisterai-je à cette douleur ?

MARGUERITE.

Je suis tout entière en ton pouvoir. Laisse-moi seulement allaiter encore mon enfant. Je l’ai caressé toute cette nuit. Ils me l’ont pris pour m’affliger, et ils disent à présent que je l’ai tué, et jamais plus je ne serai joyeuse. Ils chantent des chansons sur moi. C’est méchant de leur part. Un vieux conte finit ainsi : qui leur dit de rappeler cela ?

Faust, se prosternant.

Un amant est à tes pieds pour t’ouvrir cette affreuse prison. Marguerite, s’élançant vers lui.

Oh ! tombons à genoux .pour invoquer les saints. Vois, sous ces marches, sous le seuil, bouillonne l’enfer ! Le malin, avec une épouvantable fureur, fait un vacarme !… Faust, à haute voix.

Marguerite ! Marguerite ! .

Marguerite, attentive.

. C’était la voix de mon ami. (Elle se lève vivement : les chaînes tombent. Où est-il ? Je l’ai entendu m’appeler. Je suis libre ! Personne ne me retiendra ! Je veux voler dans ses bras, me reposer sur son sein ! Il a crié : « Marguerite ! » 11 était sur le seuil. A travers les hurlements et les grimaces de l’enfer, à travers les moqueries furieuses, diaboliques, j’ai reconnu la douce, la caressante voix.

FAUST.

C’est moi.

MARGUERITE.

C’est toi ! Oh ! dis-le encore ! (Elle l’embrasse.) C’est lui ! c’est