Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/280

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plus avant, plus avant, pour vous loger en paix dans les rochers, sous le feuillage’ : si le bruit vous atteint, vous serez sourds.

FAUST.

Les pulsations de la vie battent avec une force nouvelle, pour saluer doucement le crépuscule éthéré. O terre, tu m’as aussi été fidèle cette nuit, et tu respires à mes pieds rajeunie. Déjà tu commences à m’entourer de plaisirs ; tu réveilles et tu excites en moi une forte résolution de tendre sans cesse à la plus haute existence…. Déjà le monde est plongé dans une lueur crépusculaire ; le bois retentit des mille voix de la vie ; hors de la vallée, dans la vallée, une chaîne de brouillards est répandue ; cependant la clarté céleste descend dans les profondeurs, et les branches et les rameaux rafraîchis surgissent du ’ vaporeux abîme où ils dormaient ensevelis. Les couleurs aussi une à une se détachent du fond où feuilles et fleurs dégouttent de perles tremblantes ; la contrée qui m’environne devient un paradis…. Lève les yeux !… Les cimes colossales des montagnes annoncent déjà l’heure la plus solennelle ; elles jouissent les premières de la lumière éternelle, qui descend plus tard jusqu’à nous. Maintenant sur les pentes vertes des Alpes est répandue une teinte brillante, une clarté nouvelle, et par degrés elle arrive plus bas…. Le soleil se lève…. hélas ! et, déjà ébloui, je me détourne, les yeux blessés et souffrants.

Il en est donc ainsi, lorsqu’un ardent espoir, qui s’est élancé avec confiance jusqu’au désir suprême, trouve tout ouvertes les portes de l’accomplissement ! Alors, de ces profondeurs éternelles, jaillit un torrent de flammes ; nous restons éperduS ; nous voulions allumer le flambeau de la vie : un océan de feu nous engloutit. Quel feu ! Est-ce l’amour, est-ce la haine qui nous enveloppe, nous embrase, avec les-terribles alternatives de la joie et de la douleur, en sorte que nous regardons de nouveau vers la terre, pour nous cacher dans le voile de la plus timide innocence ?

Eh bien ! laissons derrière moi le soleil. Cette cascade, qui gronde à travers le rocher, je la contemple avec une extase croissante. De chute en chute, elle roule et se verse en mille et mille courants, lançant avec fracas au haut des airs écume sur écume.