Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/285

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des meilleurs crus et des meilleures années, la soif inextinguible des nobles seigneurs avale jusqu’à la dernière goutte. Le conseil municipal doit aussi ouvrir ses caves ; on prend les hanaps, on prend les coupes, et voilà les buveurs sous la table : alors il me faut payer, satisfaire tout le monde. Le juif ne me ménagera pas ; il fournit des anticipations, qui dévorent d’avance une année après l’autre. Les porcs n’engraissent plus, les matelas sont engagés, et l’on-sert sur la table du pain mangé en herbe.

L’empereur, à Méphislophèlès, après un moment de réflexion.

Et toi, fou, parle, ne connais-tu pas aussi quelque misère ?

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Moi ? Nullement. A voir la splendeur qui t’environne toi et les tiens…. La confiance manquerait-elle où la majesté commande sans opposition ; où la puissance, toute prête, disperse l’ennemi ; où l’on a sous la main la bonne volonté, forte par l’intelligence et par une activité multipliée ? Qu’est-ce qui pourrait s’unir pour le mal, pour les ténèbres, aux lieux où brillent de pareilles étoiles ?

Murmures.

C’est un fripon…. il entend bien son métier…. il s’insinue par te mensonge…. tant que ça ira…. Je vois déjà…. ce qui se cache là derrière…. Et quoi donc ?… Un projet !…

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Où ne manque-t-il pas quelque chose en ce monde ? A l’on ceci, à l’autre cela : niais ici c’est l’argent qui manque. A la vérité on ne le ramasse pas sur le plancher ; mais la sagesse sait faire surgir ce qui est profondément enseveli. Dans les veines de la mine, dans les fondements des murailles, on trouvera de l’or monnayé et non monnayé. Et, si vous me demandez qui le fera paraître au jour, c’est la force de la nature et de l’esprit d’un homme doué.

LE CHANCELIER.

Nature ! esprit !… Ce n’est pas ainsi qu’on parle à des chrétiens. Si l’on brûle les athées, c’est que de pareils discours sont dangereux au plus haut point. La nature, c’est le péché ; l’esprit, c’est le diable. Us nourrissent entre eux le doute, leur monstrueux hermaphrodite. Chez nous rien de pareil !… Dans les