Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/102

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quand l’échevin d’Olenschlager nous avait fait jouer Britannicus, où le rôle de Néron m’était échu en partage), que Racine, dis-je, n’avait pu lui-même en finir avec les amateurs et les critiques de son temps. Tout cela me rendit plus perplexe que jamais, et, après m’être longtemps tourmenté avec ces dits et ces contredits, avec ce théorique radotage du siècle précédent, je rejetai tout en masse, et me débarrassai de tout ce fatras avec plus de résolution à mesure-que je crus observer que les auteurs eux-mêmes, qui disaient d’excellentes choses quand ils se mettaient à discourir sur ce sujet, quand ils exposaient les règles de leur pratique, quand ils voulaient se défendre, s’excuser, se justifier, ne savaient pas non plus toucher toujours le point essentiel. Je me hâtai donc de revenir à l’actualité vivante ; je fréquentai le théâtre avec une ardeur nouvelle ; mes lectures furent plus sérieuses et plus suivies, en sorte que j’eus alors la persévérance d’étudier tout Racine, tout Molière et une grande partie de Corneille.

Le lieutenant du roi logeait toujours dans notre maison. Il n’avait changé en rien de conduite, particulièrement à notre égard ; mais on pouvait remarquer, et notre compère l’interprète savait nous le rendre encore plus évident, qu’il ne remplissait plus ses fonctions avec la même sérénité, avec le même zèle qu’au commencement, quoique toujours avec la même droiture et la même fidélité. Ses manières et sa conduite, qui annonçaient un Espagnol plutôt qu’un Français ; ses caprices, qui, de temps en temps, ne laissaient pas d’avoir de l’influence sur quelque affaire ; son inflexibilité, quelles que fussent les circonstances ; son irritabilité, en tout ce qui touchait sa personne et son caractère : tout cela devait le mettre quelquefois en conflit avec ses supérieurs. Ajoutez qu’il fut blessé dans un duel, à la suite d’une querelle au théâtre, et l’on trouva mauvais que le lieutenant du roi, le chef suprême de la police, eût commis lui-même une faute punie par les lois. Tout cela put l’amener, comme je l’ai dit, à se replier davantage sur lui-même, et à montrer peut-être ça et là moins d’énergie.

Cependant un grand nombre des tableaux qu’il avait commandés étaient déjà dans ses mains. Il passait ses heures de loisir à les considérer dans la mansarde, où il les faisait clouer,