Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car Œser avait pour lui un respect sans bornes, qu’il sut aisément nous inspirer. Nous ne pouvions, il est vrai, démêler ce qu’il y a de problématique dans ces petits traités, qui s’égarent d’ailleurs encore dans l’ironie, et se rapportent à des opinions et des faits particuliers ; mais, comme Œser avait eu sur ces travaux beaucoup d’influence, et qu’il nous prêchait sans cesse l’évangile du beau, ou plutôt du gracieux et de l’agréable, nous finissions par trouver le sens général, et nous nous flattions de suivre dans ces explications une marche d’autant plus sûre, que nous regardions comme un grand bonheur de puiser à la même source à laquelle Winckelmann avait étanché sa première soif de connaissances.

Il ne peut rien arriver de plus heureux pour une ville que de rapprocher dans ses murs plusieurs hommes d’une belle culture, et qu’animé également l’amour du bien et du beau. Leipzig avait cet avantage, et en jouissait paisiblement, car les Jugements n’étaient pas encore divisés comme on l’a tant vu depuis. Huber, connaisseur bien exercé, qui faisait une collection de gravures, avait un autre mérite, dont on lui savait gré : il songeait à faire connaître aussi aux Français la valeur de la littérature allemande. Kreuchauf, amateur au coup d’œil exercé, qui, étant ami de toute la Société des arts, pouvait considérer toutes les collections comme siennes ; Winkler, qui faisait volontiers part aux autres du plaisir intelligent qu’il prenait à ses trésors : tous ces hommes et d’autres encore, vivaient et agissaient dans un même esprit, et, si souvent que je les aie vus passer en revue des œuvres d’art, je ne puis me souvenir qu’une querelle ait jamais éclaté entre eux. Comme de juste, on prenait toujours en considération l’école d’où l’artiste était sorti, le temps où il avait vécu, le talent particulier que lui avait donné la nature et le point auquel il l’avait porté dans la pratique. On ne manifestait aucune prédilection pour les sujets religieux ou profanes, pour les scènes de ville ou de campagne, pour la nature morte ou vivante ; il s’agissait uniquement des convenances de l’art. Ces amateurs et ces collectionneurs, par leur position, leur goût, leur fortune, comme par les occasions, étaient plus attirés vers les écoles flamande et hollandaise ; toutefois, en même temps qu’on exerçait son œil à étudier les mé-