Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/380

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teur, le docteur Goldsmith, a sans aucun doute une grande connaissance du monde moral, de ses mérites et de ses défauts, mais il doit aussi se féliciter d’être Anglais, et mettre à haut prix les avantages que son pays et sa nation lui procurent. La famille dont il fait le tableau se trouve à l’un des derniers degrés de l’aisance bourgeoise, et pourtant elle entre en contact avec la classe la plus élevée ; son étroite sphère, qui se resserre encore davantage, s’entremêle avec le grand monde par le cours naturel et civil des événements ; cette petite nacelle nage sur le flot large et mobile de la vie anglaise, et, dans le bien comme dans le mal, il faut qu’elle attende dommage ou secours de la flotte immense qui navigue autour d’elle.

Je puis supposer que mes lecteurs connaissent cet ouvrage et qu’ils s’en souviennent. Ceux qui l’entendent nommer ici pour la première fois, comme ceux que .j’aurai engagés à le relire, m’en seront les uns et les autres obligés. Je ferai observer en passant, pour les premiers, que la femme du vicaire est de ces personnes actives qui ne laissent manquer de rien ni elles-mêmes ni leur famille, mais qui en revanche sont quelque peu vaines pour leur famille et pour elles. Elle a deux filles, Olivia, belle et plus communicative, Sophie, charmante et plus recueillie. Je ne veux pas négliger de nommer Moïse, le fils de la maison, un peu brusque, laborieux et marchant sur les traces de son père.

Si Herder avait un défaut comme lecteur, c’était l’impatience. Il n’attendait pas que l’auditeur eût compris et saisi une certaine partie du développement pour être en état de le bien sentir et d’en juger sainement. Dans sa précipitation, il voulait voir des effets sur-le-champ, et néanmoins il était mécontent de ceux qui se manifestaient. Il blâmait l’excès de sentiment qui débordait chez moi davantage à chaque pas. Je sentais en homme, en jeune homme ; pour moi tout était vivant, vrai, présent ; lui, qui ne considérait que le fond et la forme, il voyait bien que j’étais dominé par le sujet, et c’est ce qu’il ne voulait pas souffrir. Les réflexions de Péglow, qui n’étaient pas des plus fines, étaient encore plus mal reçues. Ce qui l’indignait surtout, c’est que, par défaut de pénétration, nous ne prévoyions pas les contrastes dont l’auteur use fréquemment ; nous nous lais-