Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/401

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de l’être humain. Il m’avait sans doute observé particulièrement, comme un jeune homme bizarre, et m’avait pardonné la singulière anomalie qui m’attirait à ses leçons. Cette fois, il ne termina pas son exposition comme à l’ordinaire par une instruction qui eût rapport à quelqu’une des maladies observées, mais il nous dit gaiement : « Messieurs, nous avons devant nous quelques jours de vacances : profitez-en pour vous divertir. Les études veulent sans doute de l’ardeur et du zèle, mais elles veulent aussi un esprit libre et serein. Donnez à votre corps du mouvement, parcourez à pied et à cheval ce beau pays. L’Alsacien reverra avec plaisir ce qu’il connaît, et l’étranger y trouvera des impressions nouvelles, avec un trésor d’agréables souvenirs. »

Nous n’étions proprement que deux à qui cette exhortation pouvait s’adresser. Puisse cette ordonnance avoir eu pour mon camarade la même évidence que pour moi ! Je crus entendre une voix du ciel. Je me hâtai de louer un cheval, et de m’habiller proprement. Je fis appeler Weyland : il n’était pas chez lui. Cela ne m’arrêta point. Malheureusement les préparatifs tirèrent en longueur, et je ne partis pas aussitôt que je l’avais espéré. J’eus beau presser mon cheval, la nuit me surprit. Je ne pouvais me tromper de route, et la lune éclairait ma fougueuse entreprise. La nuit était orageuse et sombre ; je poussais mon cheval au galop, afin de n’être pas obligé d’attendre au lendemain matin pour voir Frédérique. Il était déjà tard, quand je logeai mon cheval à Sesenheim. Je demandai à l’aubergiste s’il y avait encore de la lumière à la cure : il m’assura que les demoiselles venaient seulement de rentrer ; il croyait avoir ouï dire qu’elles attendaient un étranger. Cela me fâcha, car j’aurais désiré être le seul. Je courus, voulant du moins, si tard qu’il fût, arriver le premier. Je trouvai les deux sœurs assises devant la porte. Elles ne semblèrent pas trop surprises, mais, moi, je le fus quand Frédérique dit à l’oreille d’Olivia, de façon toutefois que je pus l’entendre : « Ne l’ai-je pas dit ? C’est lui ! » Elles me firent entrer, et je trouvai une petite collation servie. La mère me salua comme une vieille connaissance. Mais quand l’aînée me vit à la lumière, elle éclata de rire, car elle avait de la peine à se contenir. Après cette réception un peu singu-