Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/449

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savais. Qu’il se trouve dans la Bible des contradictions, personne aujourd’hui ne le contestera. On cherchait à les lever en prenant pour base le passage le plus clair, et en s’efforçant de concilier avec celui-là le passage qui l’était moins et qui le contredisait. Moi, je voulais découvrir, par l’examen, l’endroit qui exprimait le mieux l’idée de la chose ; je m’attachais à ces passages, et je rejetais les autres comme interpolés.

Car dès lors s’était affermie chez moi, sans que je pusse dire si elle m’avait été inspirée ou insinuée, ou si elle était née de mes propres réflexions, cette idée fondamentale, que, dans toute tradition et particulièrement dans la tradition écrite, l’essentiel est le fonds, l’intérieur, le sens, la direction de l’ouvrage ; là se trouve ce qui est originel, divin, efficace, inviolable, inaltérable ; ni le temps ni aucune influence, aucune condition extérieure, n’ont de prise sur ce fonds intime, du moins pas plus que la maladie du corps n’en a sur une âme bien faite. La langue, le dialecte, les idiotismes, le style et enfin l’écriture, devaient donc être considérés comme le corps de tout ouvrage d’esprit. Ce corps, assez intimement uni, il est vrai, avec l’intérieur, est toutefois exposé aux altérations, aux détériorations, car, en général, aucune tradition ne peut, par sa nature, être transmise dans une pureté parfaite, et, quand elle le serait, elle ne pourrait, dans la suite, être toujours parfaitement intelligible : l’un est impossible à cause de l’insuffisance des organes par lesquels elle est transmise ; l’autre, à cause de la différence des temps et des lieux, mais particulièrement à cause de la différence des facultés et des opinions humaines, et c’est pourquoi les interprètes ne s’accorderont jamais. Rechercher la nature intime, le caractère propre d’un livre qui nous plaît particulièrement, est donc l’affaire de chacun, et, pour cela, il faut, avant toute chose, examiner dans quels rapports le livre est avec notre propre nature et à quel point cette force vivante anime et féconde la nôtre ; en revanche, tout l’extérieur, qui est sans action sur nous ou sujet à un doute, on doit l’abandonner à la critique, qui, fût-elle même en état de morceler et de disperser l’ensemble, ne parviendrait jamais à nous ravir le fonds véritable, auquel nous tenons fermement, et